Si le nom de Youssou N’dour est le plus associé au mbalax aujourd’hui, d’autres artistes ont contribué à inventer ce genre très malléable et continuent aujourd’hui de le porter au-delà des frontières du Sénégal.
Il aura bientôt 65 ans et chante depuis 45 ans, entamant cette année une tournée triomphale dans tous les festivals d’été en France. C’est Youssou N’dour, le Sénégalais le plus célèbre du monde, qui a collaboré avec nombre d’artistes, de Peter Gabriel a Neneh Cherry ou à Akon, incarnant le triomphe de la “world music” dans les années 1990 et 2000, qui fut ministre de son pays, et qui reste sans doute l’un des entrepreneurs de la culture les plus puissants en Afrique.
Youssou N’dour sort cette année un nouvel album : Éclairer le monde, chanté en wolof, en anglais ou en français, sur des balades qui empruntent à différents styles mais qui relèvent essentiellement de ce genre qu’il a été l’un des premiers à inventer et dont il est officiellement le roi : le mbalax, né au Sénégal dans le sillon de l’indépendance dans les années 1970. Un genre si malléable qu’il peut être mêlé à d’autres, tels que le reggae ou l’afrobeat.
En outre, l’immense succès de Youssou N’dour fonctionne d’une certaine manière comme un arbre cachant la forêt d’une scène sénégalaise très riche qui a contribué à inventer le mbalax et qui continue aujourd’hui de le porter. Une scène représentée par Aminata Fall, Baaba Maal, ou encore Ouza, dont les noms ont aussi passé les frontières du Sénégal.
Aujourd’hui, le mbalax continue de vivre grâce à la richesse des cultures du Sénégal, dont l’histoire s’est transmise par la voix des griots et qui rassemble différents peuples.
Du Miami Club au Star Band de Dakar
Le mbalax est né entre la fin des années 1960 et début des années 1970 dans plusieurs clubs de Dakar – le Miami Club et le Sahel, lesquels donnaient la pulsation de ce qui allait se passer dans le pays. Dans les années 1950, une formation célèbre élit domicile au sein du Club Miami, le Star Band de Dakar, dont la plupart des talents posent les bases de la musique sénégalaise. Ils font par la suite sécession et créent d’autres orchestres où l’on entend la plupart des grands noms que l’on connaît aujourd’hui.
Parmi eux, un très jeune Youssou N’dour, qui devient par la suite l’un des chefs de formation les plus aimés de l’Afrique de l’Ouest. Autres transfuges du Star Band de Dakar, le groupe Orchestra Baobab, qui a notamment connu de grandes heures de gloire dans les années 2000.
D’autres artistes et syncrétismes
Dans cette genèse, une formation que l’on oublie trop souvent contribue au développement du mbalax et illustre la diversité de ses influences : Ifang Bondy, formé par Badou Diop et Pape Tour, qui sont tous deux issus de Gambie, ce pays anglophone enserré dans le Sénégal. Leur son porte de fait plusieurs influences, dont la soul, la pop, la rumba ou la morna. En 1967, ils créent le groupe Super Eagles, qui connaît un grand succès. Explorant par la suite le patrimoine des instruments traditionnels, tels que la kora ou le balafon, le groupe se rebaptise Ifang Bondi et lance un véritable mouvement d’afro jazz mandingue, avec des titres aussi emblématiques que Xalel Dey Mag.
Autre grand nom, la diva Aminata Fall, qui débute avec le Star Jazz de Saint Louis, ayant attrapé le virus du blues, et qui participe de cette rythmique du mbalax avec des morceaux comme Mbeuguel. Disparue en 2002, analphabète, elle transcrivait toutes ses chansons en petits dessins.
De son côté, Ousmane Diallo dit Ouza, un artiste très engagé, fonde un groupe révolutionnaire, Ouza et ses Ouzettes, et s’affirme comme l’un des premiers à imposer des choristes et des danseuses, des femmes, dans une réalisation moderne.
Enfin, Baaba Maal est considéré comme l’un de maîtres du mbalax qu’il a nourri de ses propres traditions. Chanteur guitariste d’origine peul, il jouait aussi de la kora, parmi d’autres instruments traditionnels.
Extraits sonores :
- Orchestra Baobab, Kelen ati leen, 2015
- Youssou N’Dour & Étoile De Dakar, On l’a fait!, album Éclairer le monde – Light the World, 2025
- Star Band de Dakar, Gossando, album Star Band de Dakar, Vol. 2, 2009
- Archive : Yakyah Fall sur l’unité africaine dans l’orchestre Baobab, l’Astrolabe d’Orléans, 2022
- Orchestra Baobab, Nijaay, album Senegaal Sunugaal, 1975
- Archive : Mountaga Koïté raconte l’importance du kassak dans la musique sénégalaise, “Orchestra Baobab, bande originale du Sénégal”, émission Invitation au voyage, ARTE, 2024
- Étoile de Dakar, Tu verras, album Volume 1: Absa Gueye, 1993
- Archive : Youssou N’Dour sur l’invention du mbalax, Pollen, France Inter, 1986
- Étoile de Dakar, Dounya, album Volume 2: Thiapathioly, 1994
- Ifang Bondi, Xalel Dey Mag, album Sénégal 70: Musical Effervescence, 2008
- Super Diamono, Manduléén, album Géédy Dayaan, 1979
- Aminata Fall, Mbeugeul, album Kan fore, 1992
- Archive : Idrissa Diop sur la richesse musicale de l’Afrique, RFI Musique, 2019
- Idrissa Diop,Yaye boye, album Dioubo, 1976
- Ouza Diallo, Nobel, album African Pearls, Volume 4: Senegal: The Teranga Spirit, 2006
- Archive : Baaba Maal sur sa voix semblable à celles des griots, La bande passante, RFI, 2016
- Baaba Maal, Ngalu, album Génération Nouvelle, 2013
- Thione Seck, Mathiou, album Favori, 2000
Source: radiofrance.fr