À 23 ans, Adamo Bineta Sow réalise son premier court-métrage, « Aveugle par une aveugle », sélectionné en 2017 dans la section junior du FESPACO. Son second film, « À nous la Tabaski », remporte plusieurs prix en Europe et en Afrique, dont celui du meilleur court-métrage au Festival du Film de Femmes de Fontenay-le-Fleury, à Paris. Il est également sélectionné dans de nombreux festivals internationaux. Pour cette œuvre, elle reçoit un diplôme de reconnaissance décerné par le Ministre de la Culture du Sénégal.
« Timpi Tampa », son premier long-métrage, a été sélectionné au FESPACO 2025 dans la section Perspectives, où il a reçu une mention spéciale. Dans le dossier de presse de la projection de ce film, la réalisatrice revient sur ses motivations.
Pour votre premier long-métrage, vous abordez un fléau : les dégâts causés par le blanchiment de la peau. Qu’est-ce qui vous a amenée à traiter ce sujet au cinéma ?
J’ai été inspirée par le phénomène de la dépigmentation que j’ai observé autour de moi. C’est un phénomène en pleine expansion. Sans porter de jugement sur les femmes qui font ce choix, j’ai ressenti le besoin de partager ma vision d’une société idéale, où toutes les femmes s’assument telles qu’elles sont, dans leur diversité culturelle et naturelle. Pour l’Afrique noire, cela signifie accepter et valoriser les cheveux frisés, les teints foncés, toutes ces spécificités qui font notre richesse.
N’étant pas très présente sur les réseaux sociaux, j’ai trouvé dans le cinéma un moyen d’expression puissant. J’ai voulu raconter une histoire divertissante sur la société sénégalaise. À travers le personnage principal, Kalilou, j’aborde ce sujet avec humour pour captiver le public, tout en soulignant l’importance de l’acceptation de soi. Ce processus créatif m’a fait énormément de bien.
Que signifie « Timpi Tampa » ?
Littéralement, « Timpi-Tampa » signifie « ni noir, ni clair », en référence à une peau dépigmentée et non unifiée, souvent due aux produits éclaircissants et à l’exposition au soleil. En français, le film a été traduit par « Empreinte », un mot qui évoque à la fois l’unicité et l’identité. La peau, en tant qu’élément personnel et intime, est une empreinte naturelle, une signature de notre naissance.
Pour moi, ce titre a trois significations. Il fait référence à l’effet visuel de la dépigmentation, à l’empreinte identitaire que chacun porte en soi, et à l’idée qu’il est essentiel de se connaître pour mieux s’aimer.
À la fois auteure et réalisatrice, comment avez-vous vécu le tournage ?
Le tournage n’a pas été facile, mais j’ai eu la chance d’être entourée de professionnels expérimentés et bienveillants, ce qui a grandement facilité le processus. Les difficultés rencontrées m’ont permis d’apprendre énormément. Avec humilité, je pense qu’elles m’ont aidée à gagner en maturité pour mes projets futurs.
Je suis consciente que mon prochain long-métrage sera encore plus exigeant, mais je suis prête à relever le défi et à continuer d’apprendre. Cette première expérience m’a aussi permis de mieux me connaître, tout en découvrant les réalités concrètes d’un plateau de tournage.
Parlez-nous de votre rencontre avec l’acteur principal, Pape Aly Diop…
Le choix de l’acteur principal a été l’étape la plus difficile du casting. Après de nombreux essais et avis croisés, parfois de personnes qui ne se connaissaient même pas, j’ai eu la conviction profonde que Pape Aly Diop était le bon choix. Son potentiel m’a sauté aux yeux.
Un important travail psychologique a été nécessaire pour l’aider à s’approprier ce rôle délicat, dans un contexte social encore très traditionnel comme celui du Sénégal. Je tiens à remercier Nathalie Vairac pour son précieux coaching dans cette préparation. Il a fallu dépasser certains blocages, mais je n’ai jamais lâché prise, poursuivant ce travail même durant le tournage.
Pape Aly Diop est un acteur talentueux. J’accorde une grande importance à la spontanéité et à l’authenticité du jeu. Je pense que trop de formation peut parfois lisser ce qui rend un acteur unique. Sans nier l’importance de la technique, je privilégie toujours la singularité et la vérité intérieure de chaque interprète.
Autour de Pape Aly Diop, vous avez réuni un casting sénégalais s’exprimant majoritairement en wolof. Était-ce un choix délibéré ?
Oui, absolument. En réunissant de jeunes talents sénégalais, l’usage du wolof s’est imposé naturellement. Très vite, chacun s’est approprié son rôle avec une aisance remarquable, comme s’ils se connaissaient déjà. Le résultat est d’une authenticité saisissante, révélant toute la beauté, la spontanéité et l’esprit rebelle de cette jeune génération.
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