Dans l’intimité feutrée de la salle Pencc du Musée des Civilisations noires, une soirée cinéma d’exception s’est déroulée hier soir. L’avant-première du film “Ejo Tey” du réalisateur sénégalais Papalioune Dieng a rassemblé un public de fins connaisseurs pour une expérience cinématographique autant que réflexive, soutenue par l’Ambassade du Rwanda.
Un film-pont entre le Sénégal et le Rwanda
Cette projection s’inscrit parfaitement dans la nouvelle vision du MCN : ouvrir des rencontres à tous les publics sur des thématiques liées au renouveau culturel du continent africain et de sa diaspora. L’initiative a permis de repenser collectivement les questions d’affirmation identitaire, de génocide et de résilience, en présence de personnalités emblématiques comme Abderahmane Ngaïdé, Boubacar Boris Diop et Oumar Pène.
La force du film de Papalioune Dieng réside dans cette connexion existentielle qu’il établit entre le Sénégal et le Rwanda. Cette approche panafricaine de la création artistique s’inscrit dans la lignée des grands cinéastes du continent comme Ousmane Sembène, Moussa Sène Absa ou Moussa Touré, précurseurs d’une démarche unitaire par l’art et d’une nouvelle esthétique africaine.
Le génocide rwandais : miroir des traumatismes continentaux
Le traitement du génocide rwandais par le réalisateur soulève des questions universelles qui dépassent les frontières nationales. Car le génocide, rappelons-le, constitue une pratique fondatrice dans la genèse du capitalisme colonial : de l’extermination des peuples autochtones d’Amérique aux multiples massacres coloniaux, jusqu’au génocide actuel du peuple palestinien à Gaza, ces tragédies marquent les étapes d’un même système d’oppression.
Le génocide rwandais, dans sa contemporaneité, révèle particulièrement les mécanismes de gestion coloniale par la division : manipulation des clivages économiques, sociaux et culturels entre communautés, instrumentalisation politique, corruption et propagation de la haine menant à l’irréparable.
Résilience et souveraineté : les leçons rwandaises
Les séquences consacrées à la justice réparatrice et à la reconstruction économique du Rwanda post-génocide offrent une leçon précieuse sur la reprise de l’initiative historique par les Africains eux-mêmes. Souveraineté politique, consolidation de la cohésion sociale entre communautés, perspective d’unité continentale : autant d’enjeux que le film éclaire avec justesse.
L’art comme vecteur de renaissance
Cette soirée au MCN a confirmé le rôle primordial que peuvent jouer les artistes créateurs dans ce processus de renaissance continentale. En tissant des liens narratifs entre les tragédies et les espoirs du continent, en créant des ponts entre les peuples africains, le cinéma devient un outil puissant de construction identitaire et de projection vers l’avenir.
“Ejo Tey” s’affirme ainsi comme bien plus qu’un film : c’est un manifeste cinématographique pour une Afrique réconciliée avec son histoire et maîtresse de son destin.