Russie: Alexeï Navalny a été transféré dans une unité de soins pénitentiaire

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Après de nouvelles pressions des États-Unis et de l’Union européenne ce lundi 19 avril, les autorités russes ont accepté de prendre en compte l’état de santé de l’opposant Alexeï Navalny, qui a été transféré dans un centre de soin carcéral à la suite de sa grève de la faim qui dure depuis trois semaines.

L’information est tombée en fin de matinée ce lundi sous la forme d’un communiqué très bref des services pénitentiaires russes : « Il a été décidé de transférer Alexeï Navalny vers un centre hospitalier carcéral situé dans la région de Vladimir », rapporte notre correspondant à Moscou, Daniel Vallot.

Alexeï Navalny doit être transféré dans la colonie pénitentiaire IK3, située à 80 kilomètres environ de celle où il est incarcéré. Cette colonie à régime strict est dotée d’équipements médicaux. Les services pénitentiaires russes affirment également que l’état de santé de l’opposant est « satisfaisant » et que des vitamines lui ont été prescrites, avec son accord.

Une grève de la faim depuis le mois de mars

Alexeï Navalny observe une grève de la faim depuis la fin du mois de mars. Selon son entourage, son état de santé s’est nettement dégradé ces derniers jours. Plusieurs médecins proches de l’opposant affirment que celui-ci est en danger de mort, son niveau de potassium dans le sang pouvant provoquer un arrêt cardiaque. Ces médecins ont demandé à ce qu’Alexeï Navalny soit immédiatement placé en soins intensifs. 

Une inquiétude partagée par l’épouse de l’opposant qui a pu lui rendre visite en début de semaine dernière. Selon Ioulia Navalnaya, son mari, qui a perdu neuf kilos depuis le début de sa grève de la faim, est épuisé et éprouve des difficultés pour s’exprimer. 

Accusées de ne rien faire pour soigner l’opposant, les autorités russes ont rejeté ces accusations. « Nous ne laisserons pas mourir en prison Alexeï Navalny », a notamment déclaré l’ambassadeur russe en Grande-Bretagne, ajoutant qu’à son avis l’opposant avait entamé sa grève de la faim uniquement pour « attirer l’attention » sur son cas. Le Kremlin rejette d’ailleurs les mises en garde occidentales sur l’état de santé de Navalny.

Des manifestations de soutien à l’opposant sont annoncées pour mercredi. Mais, dans un communiqué ce lundi, le ministère russe de l’Intérieur met en garde : « Les unités du ministère de l’Intérieur et des autres forces de l’ordre ne permettront pas une déstabilisation de la situation et prendront toutes les mesures qui s’imposent pour le maintien de l’ordre ».

L’inquiétude des partisans de l’opposant sur son état de santé

Alexeï Navalny n’a pas été hospitalisé dans un lieu médical anodin. En réalité, il s’agit d’une autre colonie pénitentiaire, dont les équipements médicaux paraissent totalement insuffisants aux yeux de son entourage. Inquiétude partagée par les médecins personnels d’Alexeï Navalny qui demandent son transfert dans une unité de soins intensifs.

C’est le cas du cardiologue Iaroslav Achikhmine qui a pu consulter les analyses de sang de l’opposant. Joint au téléphone, il confie à notre correspondant Daniel Vallot et à Rusina Shikhatova son inquiétude pour la santé de son patient : « Ce qui nous préoccupe en premier lieu sont les douleurs dans les jambes qui n’ont pas cessé, et qui restent inexpliquées. Ensuite il y a un risque d’insuffisance rénale, indiqué par le taux de créatinine. Enfin, le taux très élevé de potassium relevé dans ces analyses est très inquiétant. Cela peut mener à un arrêt cardiaque ou à de l’arythmie, c’est une menace très sérieuse pour la vie du patient. » 

Dans une lettre adressée aux autorités pénitentiaires les médecins d’Alexeï Navalny demandent à pouvoir ausculter leur patient, ce qui leur a toujours été refusé. Les proches de l’opposant se disent quant à eux très inquiets de ce transfert dans la colonie IK-3, dont la réputation est tout aussi sinistre que celle où se trouvait jusqu’à présent Alexeï Navalny. Pour son bras droit Leonid Volkov, l’opposant a été transféré dans un « camp de concentration et de torture, et non pas à l’hôpital ». Pour leur part les autorités russes affirment que tout est fait pour garantir la survie d’Alexeï Navalny.  

Pressions de l’UE et des États-Unis

L’annonce du placement d’Alexeï Navalny dans une unité de soins ne peut que satisfaire les Européens, puisque cela correspond exactement à leurs demandes répétées. Le ministre allemand des Affaires étrangères réclamait justement « une hospitalisation d’urgence », rapporte notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrel, a répété à l’ouverture de la réunion des 27 tenir la Russie pour responsable de sa santé et de sa sécurité.

Personne ne va pour l’instant jusqu’à dire ici que la montée de ces pressions internationales liées à celles des États-Unis sont à l’origine de la décision des autorités carcérales russes, d’autant que la Russie le réfute, mais l’UE est clairement engagée dans un bras de fer diplomatique avec la Russie. Les Européens soulignent avoir déjà pris des sanctions à l’encontre de dix personnalités russes à la suite de l’empoisonnement puis à la condamnation d’Alexeï Navalny, une menace à peine voilée de nouvelles sanctions éventuelles.

Depuis la visite de Josep Borrell à Moscou en février où la Russie avait manifesté son mépris pour l’UE, les tensions diplomatiques sont à leur comble. Elles vont même en s’accroissant, estime le chef de la diplomatie européenne ce lundi alors que les 27 débattent aussi de l’expulsion de 18 diplomates russes de Prague ce dimanche et de l’expulsion en rétorsion de 20 diplomates tchèques de Moscou.

Les 27 ont ainsi aussi exprimé très formellement leur solidarité et leur soutien plein et entier à la République tchèque. Mais le sujet qui continue à préoccuper le plus les Européens, ce sont les bruits de bottes en Crimée et à la frontière orientale de l’Ukraine. Ils ont renouvelé leur soutien à l’intégrité territoriale et à la souveraineté ukrainienne alors qu’on assiste, selon Josep Borrell, au déploiement de troupes le plus massif jamais enregistré avec un renforcement de l’ordre de 150 000 soldats russes.

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