
Au Royaume-Uni, après les supermarchés, la pénurie touche maintenant les stations-service et crée un mouvement de panique des consommateurs qui se précipitent pour tenter de faire le plein. Pourtant, il y a de l’essence, en revanche il n’y pas assez de chauffeurs routiers dans le pays pour l’acheminer depuis les raffineries. Pour apaiser les inquiétudes, le gouvernement britannique a annoncé qu’il allait, entre autres, accorder plus de 10 000 visas temporaires pour des travailleurs européens. Véronique Riches-Florès, économiste indépendante, spécialiste du Royaume-Uni répond aux questions d’Ariane Gaffuri.
RFI : Il y a au Royaume-Uni un manque cruel de chauffeurs routiers, mais y a-t-il globalement une pénurie de main d’oeuvre ?
Véronique Riches-Florès : Il est évident que les pénuries de main d’œuvre sont très importantes. Pour ce qui concerne les métiers de routiers effectivement, le Royaume-Uni est sur une île. Beaucoup de ses biens de consommations transitent par la mer puis par les routes, et donc si vous avez une insuffisance de chauffeurs routiers ce qui est véritablement le cas aujourd’hui, et vous êtes à court d’approvisionnement. Les denrées ou les biens restent au port et vous avez un embouteillage et ces denrées ne peuvent pas être transportées dans le pays. Donc, il y a de vrais sujets à la fois pour l’industrie de difficultés d’approvisionnement en pièces détachées qui peuvent venir du reste du monde, de l’Europe,y compris d’Asie. Bien évidemment, tout cela représente un frein à la production industrielle. Les denrées alimentaires sont aussi concernées, le transport de l’énergie, et donc de l’essence tout particulièrement, avec aujourd’hui de grands groupes qui annoncent l’arrêt de leur approvisionnement en essence. On ne parle pas encore du petit commerce, mais c’est probablement un domaine où le pays va devoir faire face à des pénuries. Avec des effets en chaîne qui sont de très gros perturbateurs de la vie tout court et de la vie économique des Britanniques.
Une pénurie de main d’œuvre à remettre bien évidemment remettre dans le contexte du Brexit et du Covid-19. Que peut faire le gouvernement britannique maintenant qu’il est sorti de l’Union européenne ? Va-t-il rouvrir ses frontières ?
Il faut retrouver un équilibre alors bien évidemment après les campagnes pro-Brexit et pro-fermeture du pays par rapport à l’immigration qui était quand même le sujet mis en avant à l’origine pour justifier du Brexit. Ce n’est pas très facile pour la classe politique et le parti au pouvoir d’effectivement rouvrir ses frontières et admettre que le pays ait besoin de la main d’œuvre immigrée, donc cela se fait de manière un peu détournée. On allonge ou on donne des visas à certains travailleurs qui seraient des postulants sachant que le contexte du Covid-19 n’a pas aidé non plus à attirer la main d’œuvre étrangère. C’est un facteur additionnel qui complique la donne. Il va falloir réguler probablement les flux migratoires pour s’assurer que cette immigration réponde à des besoins précis de main d’œuvre qui sont multiples. Ils touchent bien évidemment le transport routier, mais pas que. Dans l’agriculture, il y a de gros besoins qui ont retardé d’ailleurs la production et les récoltes au printemps. Sans parler des domaines plus spécialisés par exemple la finance, toutes ces activités économiques sont fragilisées bien évidemment par la fermeture des frontières donc on va rouvrir sans doute avec des quotas et des mesures assez strictes pour s’assurer que l’immigration répond bien à des besoins spécifiques en main d’œuvre. Tout ceci risque de devenir assez rapidement un casse-tête, ce qui va mettre le pays face à ses responsabilités. Est-ce qu’on accepte de rouvrir plus largement les frontières et de fragiliser un petit peu la procédure du Brexit qui était plutôt un repli sur soi ?